Possibilité de s'opposer à une retrocession de pont

Bonjour,

une commune me pose une question sur un transfert de propriété et je suis bien en peine de trouver une réponse claire...

La commune a sur son territoire une une zone de terrains industialisable gérée par un syndicat mixte ouvert, chargé de la vente des terrains. Ce syndicat est propriétaire d'un pont qui permet l'accès à la commune (il y a peut être d'autres accès à la zone). Ce pont est en mauvais état, et nécessite des travaux estimé à 300 000€. Le syndicat veut cependant rétrocéder cet ouvrage à la commune. D'où la question : la commune peut elle s'opposer à cette retrocession ? Peut elle à défaut obliger le syndicat à effectuer les travaux avant cession ?

Merci d'avance si l'un d'entre vous à une réponse à cette question !

1 vote :

Renaud LEGLISE le 24/03/2024 à 16:24

J'ai en tête plusieurs cas de déclassements de RN avec transferts de ponts (spécifiquement identifiés) à un Département ou à une commune.

Un avant-projet de réparation était à chaque fois produit pour définir quels travaux étaient à réaliser et pour quel coût estimé. Partant de là, il y a au moins ces deux possibilités :

  • le gestionnaire d'origine fait réaliser et finance les travaux de remise en état, avant de rétrocéder le pont au nouveau gestionnaire ;
  • le gestionnaire d'origine verse une soulte libératoire au nouveau gestionnaire, sans remettre le pont en état mais en donnant une enveloppe financière qui le dégage de tout financement ultérieur.

Sur ta question plus précisément, je ne sais pas, sur le plan juridique, si le syndicat peut se démettre du pont sans aucune compensation vis-à-vis de la commune et si la commune est obligée d'accepter.

Merci aux membres de la communauté qui auraient des éléments sur ce point de bien vouloir nous les partager.

La commune est-elle adhérente à une ATD qui pourrait la conseiller sur le plan juridique ?

L'AMF pourrait aussi être un recours pour la commune sur cette question.

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Pascal CHRISTOPHE
le 25/03/2024 à 08:02

Bonjour,

Il y a certainement un règlement ou une convention de la zone industrielle avec définition du périmètre et de l'inventaire parcellaire lors de sa création (art. 318-8-2 du code de l'urbanisme). Tu peux peut-être obtenir des renseignements sur la zone en allant sur "Géoportail de l'urbanisme".

Il faut s'assurer que le règlement ne comporte pas une clause affirmant que le pont, les chaussées, trottoirs et autres dépendances ne reviennent pas dans le domaine public de la commune après plusieurs années.

Si c'est le cas, il y a normalement une clause de remise en état préalable.

Dans le cas contraire, sans présence de règlement ou de convention, la commune n'a pas à reprendre un domaine si les conseillers n'ont pas voté pour. La seule action possible pour le syndicat est d'engager une action pour prouver que le pont a une vocation de domaine publique (il dessert autre chose que la zone proprement dite par exemple).

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Renaud LEGLISE
le 25/03/2024 à 08:07

Merci bcp Pascal pour ta contribution :)

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Renaud LEGLISE le 15/04/2024 à 17:27

Avec son accord obtenu au préalable, je vous partage ici la réponse du service juridique du Cerema sur la question posée :              

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En premier lieu, pour poser les éléments d'espèce, il s'agit donc d'un syndicat mixte ouvert auquel a été transféré une compétence relative à la gestion d'une zone de terrains "industrialisables" sans savoir si cette zone est déjà classée ou non en zone d'activité industrielle ou si elle est destinée à l'être.

En matière de gestion de transfert de compétences, l'article L.5721-6-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose dans son grand I que "le transfert de compétences à un syndicat mixte entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert (...), des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5" qui sont relatifs aux régimes juridiques de la mise à disposition de ces biens, équipements et service public.

Il résulte de ces dispositions que le transfert de certaines compétences par des personnes morales à un syndicat mixte implique également le transfert des biens et équipements nécessaires à l'exercice de ces compétences ainsi que les droits et obligations qui lui sont attachés.

Je déduis des informations présentes dans la question posée que, pour l'exercice de la compétence relative à la gestion d'une zone d'activité, en devenir ou déjà existante, un certain nombre de biens ont du être transférés au syndicat mixte dont un pont d'accès à la zone qui nécessite des travaux de rénovation importants.

Le régime juridique de ce transfert de biens n'étant pas précisé, il convient de détailler les trois possibilités les plus probables et les impacts pour chacune d'entre elles en ce qui concerne la gestion de ceux-ci. Il convient également de préciser que ces régimes concernent aussi bien le domaine public que le domaine privé des communes à partir du moment où ils sont affectés aux compétences transférées.


A. La mise à disposition à titre gratuit des biens nécessaires à l'exercice des compétences transférées
 
Le titre II du CGCT, relatif aux règles particulières en cas de transfert de compétence, dispose à l'article L. 1321-1 que "le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence".

Ce premier régime juridique de la mise à disposition à titre gratuit des biens nécessaires à l'exercice de la compétence transférée, régime de droit commun, implique un changement, non pas de propriétaires, mais d'affectataires de ces biens. Il s'agit d'une transmission à titre gratuit des droits patrimoniaux de la personne publique propriétaire au bénéficiaire (sauf du droit d'aliéner conformément au principe d'inaliénabilité du domaine public consacré par l'article L. 3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques) sans pour autant que la personne publique ne soit plus propriétaire des biens.

Le syndicat mixte bénéficiaire d'une mise à disposition de biens va ainsi non seulement être titulaire des droits du propriétaire des biens mais il va aussi devoir assumer l'ensemble des obligations de ce dernier. A ce titre, il est dans l'obligation de prendre en charge l'intégralité des dépenses d'entretien et de réparation nécessaires à la préservation des biens mis à disposition.

Lorsque le bien mis à disposition par une commune pour exercer une compétence transférée cesse d'être affecté à son exercice, il est restitué à la commune propriétaire. Les modalités de cette remise à disposition peuvent être fixées par les statuts du bénéficiaire, conformément aux dispositions en vigueur (notamment l'article L. 5211-25-1 du CGCT), mais aussi dans les conventions de mise à disposition. Ces textes vont, en particulier, préciser les modalités de restitution en cas de travaux d'aménagement ou de réparation que la personne publique bénéficiaire, en l'occurrence le syndicat mixte, a pu réaliser. Il convient de noter que les travaux entrepris sur les biens par le syndicat qui sont remis à disposition appartiendront au propriétaire des biens remis et non au syndicat bénéficiaire qui les avait pris en charge. A l'issue la commune redevient pleinement titulaire des droits et obligations sur les biens qui avaient été mis à disposition.


B. Le transfert de propriété des biens nécessaires à l'exercice des compétences transférées à titre onéreux

L'article L1321-4 du même titre II dispose que "les conditions dans lesquelles les biens mis à disposition, en application de l'article L. 1321-2, peuvent (aussi) faire l'objet d'un transfert en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire sont définies par la loi."

Concernant ce transfert de pleine propriété des biens nécessaires à l'exercice de la compétence transférée, régime dérogatoire mais possible, il ne s'agit plus d'une simple substitution d'affectataire pour exercer les pouvoirs de gestion sur les biens mais bien d'un transfert de propriété. Conformément aux dispositions de droit commun applicables aux cessions à titre onéreux, les biens en question sont donc acquis par le syndicat mixte et sont sa propriété. Le syndicat est donc responsable de la gestion et de l'entretien de ces biens.

Toutefois, il convient de souligner que ce transfert en pleine propriété fondée sur l'article L. 1321-4 ne peut résulter que d'une loi
(Lexis Pratique Dirigeant territorial, Fasc. 7220 : RÈGLES COMPTABLES. – Comptabilité et patrimoine. – Création des EPCI §48 et 52). Aucune disposition législative relative à ce régime ne semble identifiable au cas d'espèce.


C. La cession à l'amiable des biens nécessaires à l'exercice des compétences transférées

L'article L3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que "les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L.1, qui relèvent de leur domaine public, peuvent être cédés à l'amiable, sans déclassement préalable, entre ces personnes publiques, lorsqu'ils sont destinés à l'exercice des compétences de la personne publique qui les acquiert et relèveront de son domaine public".

Ces dispositions permettent par dérogation au principe d'inaliénabilité du domaine public, de procéder entre personnes publiques à des cessions de gré à gré de biens relevant de ce domaine public et donc sans déclassement préalable de ce dernier. La mise en œuvre de cette procédure s'effectue en conséquence conformément aux dispositions de droit commun applicables aux cessions à titre onéreux prévues, selon le cas, par le code général de la propriété des personnes publiques ou par le code général des collectivités territoriales.

En principe, une personne morale de droit public ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur vénale, en raison du principe d'interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités. Ce principe s'applique y compris lorsque la vente est conclue entre deux personnes publiques (CE, 28 février 2007, Commune de Bourisp, n°279948).

Toutefois, un bien public peut aussi être cédé à un prix inférieur à sa valeur vénale lorsque la cession est justifiée par un motif d'intérêt général, et comporte des contreparties suffisantes (CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n°169473)

La personne publique bénéficiaire de cette cession à l'amiable à titre onéreux va donc assumer l'ensemble des obligations en tant que propriétaire et possédera tous les pouvoirs de gestion en terme de gestion et d'entretien des biens.

Enfin, en tant que propriétaire ayant bénéficié de cette cession à l'amiable, il appartient donc aussi à la personne publique, ici le syndicat mixte, d'envisager après déclassement du domaine public, une cession d'un bien devenu inutile à la compétence transférée.

Si la décision est prise de se séparer de l'un d'eux et que la commune souhaite en redevenir le propriétaire, la cession doit se faire à la valeur vénale du bien déterminé en fonction du prix du marché ou à prix minoré dans la mesure où les conditions jurisprudentielles décrites ci-dessous sont respectées (voir CE, 3 novembre 1997, Commune de Fougerolles, n°169473). Le prix de cession peut également tout à fait prendre en compte l'état du pont. Par accord des Parties, il peut aussi être décidé que les travaux à mener pour le restaurer soit réalisés avant la cession.
 
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